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Pour célébrer le retour au Bénin des œuvres d’Abomey restituées par la France, a été organisée en 2022, à Cotonou, l’exposition « Art du Bénin d’hier et d’aujourd’hui », créations anciennes et contemporaines ensemble. Après Cotonou, le volet actuel a été montré au Musée Mohammed VI à Rabat, au Maroc, puis à la Fondation Clément à la Martinique. Il l’est aujourd’hui dans les salles gothiques de la Conciergerie, à Paris : une centaine d’œuvres de quarante-deux artistes vivants – à l’exception de Cyprien Tokoudagba (1939-2012) dont la présence dans l’exposition « Les Magiciens de la Terre » en 1989, à Paris, fut l’un des premiers signes de la reconnaissance internationale de la création africaine. On n’en est plus là aujourd’hui, comme en témoigne l’intérêt, parfois plus opportuniste que profond, des musées et des galeries pour les artistes d’ascendance africaine.
L’exposition, intitulée « Révélation ! Art contemporain du Bénin » – ce qui est excessif car celle-ci est donc ancienne –, participe de ce mouvement. Elle est vaste et abondante. Les œuvres se déploient plutôt bien, en dépit des cimaises disposées en nombre sous les voûtes. Mais elle laisse perplexe, pour deux raisons : elle est incomplète et inégale. Plusieurs absences sont peu justifiables et affaiblissent le propos. Se passer des masques à base de jerricans, des installations et des photographies de Romuald Hazoumé, l’artiste béninois le plus célèbre, c’est se passer d’une création à la fois très spectaculaire et très critique. Trop critique ?
Ne pas montrer les photographies de Léonce Raphaël Agbodjelou, c’est se priver de quelques-unes des images les plus emblématiques de la traite négrière et de l’acculturation coloniale. Quant aux assemblages de Calixte Dakpogan, ils auraient rappelé que récupération et bricolage peuvent être les moyens de la satire. En comparaison, bien des sculptures et trop des peintures sélectionnées s’en tiennent à un symbolisme explicite, saturé de références aux arts anciens du royaume du Dahomey. La citation littérale ne suffit pas, si juste soit la revendication historique et éthique qui la porte. Il ne s’agit pas d’illustrer mais d’exprimer, par la forme, le matériau, l’invention, le travail des images.
Ainsi de l’installation par laquelle commence – heureuse idée – le parcours. Elle est de Georges Adéagbo, qui l’avait conçue en 2012 pour l’éphémère Triennale de Paris et l’a actualisée. Son titre est La Porte : derrière la porte… Qu’est-ce qu’il y a derrière la porte ? Un espace dont les murs et le sol sont couverts de livres, de couvertures de magazines, de pages de journaux, de peintures faussement « naïves » et de sculptures aussi faussement « primitives ». D’un élément à l’autre s’écrit la chronique de la vie politique béninoise et des avatars de ce qu’on a longtemps appelé « la Françafrique », qui est supposée avoir disparu. Un peu plus loin, avance Le Voilier du temps qu’Aston a fabriqué avec des tôles, des chaises en plastique et des canettes. Il ne faut pas longtemps pour y reconnaître une version actuelle des navires négriers qui venaient charger les esclaves sur la côte, devant Ouidah.
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